Les Facteurs de Déforestation et de Dégradation des Forêts: Résultats d'une analyse participative dans les Paysages TNS et TRIDOM (Cameroun, Congo, Gabon et RCA)

La présente étude a été réalisée dans le cadre du projet «Appui à la participation multi-acteurs au processus REDD+ au Cameroun, Congo, Gabon et RCA» financé par le Fonds pour les Forêts du Bassin du Congo (FFBC) et le Projet "Towards Pro Poor REDD+" financé par le Ministère des Affaires Etrangères du Royaume de Danemark (DANIDA).

L’approche DPSIR (forces motrices (Drivers) – Pressions – état (State) – Impacts – Réactions), qui est un modèle de l’Union Européenne (UE), a été utilisée pour ce travail. C’est un outil qui a été développé pour mieux apprécier l’état de l’environnement à l’usage des décideurs. Il s’articule en cinq éléments tous reliés par des liens de causalité: une force motrice, c’est-à-dire une activité humaine, provoque une pression sur l’environnement, qui se traduit par une modification de l’état général de l'environnement, pouvant avoir un impact sur le patrimoine naturel et sur l’homme. Celui-ci, en fonction de la gravité, va réagir et faire répondre la société. Le cinquième élément de l’approche, les "Réactions" ou «Réponses», regroupe l’ensemble des mesures et des instruments politiques mis en oeuvre par la société pour assurer la protection des personnes en matière de la gestion forestière, de manière intégrée avec les secteurs. Ces mesures sont: les mesures préventives dirigées vers les Forces motrices, les mesures curatives dirigées vers les Pressions et l'Etat et les mesures palliatives dirigées vers l'Etat et l'Impact.

La proximité des deux paysages (TNS & TRIDOM) a conduit à l’identification des mêmes facteurs directs et indirects de la déforestation et de la dégradation des forêts. A titre d'exemple, les indicateurs utilisés pour l’exploitation industrielle du bois sont: la surface des assiettes annuelles de coupes, la longueur des pistes d'exploitation ouvertes et le volume de bois abattus ou exploité par an. Les données de quelques indicateurs identifiés pour mesurer l’ampleur de l’exploitation forestière sur la déforestation varient d’un pays à l’autre. Elles atteignent par exemple une moyenne annuelle de 44 762 ha au Cameroun.

L’agriculture itinérante sur brûlis est la pratique la plus courante dans ces deux paysages. Les données sont difficilement enregistrées annuellement. Cependant, avec les données disponibles, on note que la moyenne annuelle des surfaces défrichées par an pour l'agriculture est en dessous de 5100 ha/an. Pour le segment RCA du TNS, on note que très peu d’espace est défriché pour l’agriculture, la densité de la population étant très faible.

La création des villes ou encore leur extension entraine également une perte importante et irréversible du couvert végétal. De vastes surfaces sont mises à nue. A la place des forêts naissent les bâtiments variés dans leur forme et leur qualité. La superficie totale de l’emprise des villes augmente dans les deux paysages avec la croissance de la population. Les valeurs sont absentes au niveau de la RCA ainsi que du côté TRIDOM. On s’attendra dans les années avenir à une forte augmentation de l’emprise des villes due à la migration des personnes, suite à la création des industries dans la zone.

L’exploitation minière artisanale impacte profondément la forêt dans ces paysages. Elle est très prononcée au Cameroun où les valeurs sont les plus élevées. Elle atteint près de 13 millions d’ha/an à l'analyse des données disponibles. On note des valeurs beaucoup faibles dans les autres pays avec la plus faible en RCA (250 ha/an). Dans le segment TRIDOM du Congo, on estime à plus de 4397 ha/an, la superficie totale de l’emprise des exploitations minières artisanales sur le paysage.

Les données de quelques paramètres de mesure de la dégradation des forêts dans le cadre de l’exploitation artisanale de bois et non durable des PFNL varient d’un pays à l’autre. Elles ne sont pas disponibles du côté TRIDOM au Congo. Les volumes de bois exploités au Cameroun sont les plus élevés. La RCA semble ne pas être impacté par cette exploitation artisanale de bois du moins en ce qui concerne la superficie annuelle exploitée pour le bois artisanal et le nombre de parcs à bois créés.

Les paramètres de mesure de la dégradation des forêts dans l’exploitation communautaire / communale des forêts montrent que cette forme d’exploitation est absente en RCA et au Congo, coté TRIDOM.

Le nombre de braconniers arrêtés, le nombre de campements et foyers de braconniers et la quantité de gibier saisie sont des indicateurs qui ont permis d’apprécier l’impact du braconnage dans les deux paysages. Ces indicateurs montrent des valeurs élevées lorsqu’elles existent dans les deux paysages.

Il existe un certain nombre d’actions et d’initiatives de sensibilisation et de mécanismes de participation des acteurs dans le TNS et TRIDOM. Il faudra renforcer des initiatives pour promouvoir davantage la conscientisation des acteurs sur la REDD+.

La réglementation foncière actuellement en vigueur est fortement critiquée, notamment à cause de son inadéquation aux droits vécus par les communautés locales (les droits d’usage des terres). Sa mise en application s’en trouve ainsi incertaine, et les conflits mettant en avant les différends entre les pratiques traditionnelles et la réglementation ne cessent de se multiplier.

Le dialogue avec la société civile et les acteurs locaux sur les questions couvertes par la stratégie conjointe constitue un facteur important pour assurer sa mise en oeuvre, et les conditions doivent être créées pour que les acteurs non étatiques puissent jouer un rôle actif dans le développement, la construction de la démocratie, la prévention des conflits et la reconstruction post-conflit. La moyenne annuelle de conflits qui sont enclenchés dans les deux paysages entre 2006 et 2012 montre que le secteur camerounais du TRIDOM est le plus fourni. Dans l’ensemble, les données disponibles montrent une moyenne annuelle élevée au Cameroun.

Les indicateurs pouvant permettre de suivre les facteurs indirects de déforestation et de dégradation des forêts ont été identifiés et permettront un suivi participatif de la déforestation et de la dégradation des forêts dans ces deux paysages.

Un modèle de suivi participatif dont la finalité est de mettre en place les procédures qui permettent de tirer de manières régulières (par exemple toutes les années), la valeur et la tendance de ces facteurs dans le paysage, a été conçu dans ce travail. C’est ainsi qu’un certain nombre d’indicateurs des facteurs de déforestation et de dégradation des forêts ont été identifiés de façon participative. Ceux-ci ont ensuite été affectés d’une unité de mesure courante et facilement mesurable. Ces unités vont de l’hectare pour les superficies affectées aux nombres (nombre d’individus, de jours, de réunions, …) en passant par les volumes de bois (m3) au km (réseau routier). Pour chaque pays, les sources de collecte des données ont été identifiées, et c’est auprès de ces mêmes sources que les données pourraient être collectées régulièrement pour mesurer la tendance de ces facteurs sur le paysage forestier.

Cette étude participative a permis l’identification des facteurs de déforestation et de dégradation des forêts dans les paysages TNS et TRIDOM. Les projets pilotes pouvant contribuer à réduire ces facteurs ont été définis. Ces projets rentrent dans les différentes stratégies à mettre en oeuvre pour réduire ou alors minimiser ces facteurs de déforestation et de dégradation des forêts. Ils seront gérés de façon participative et tiendront compte à la fois des volets écologique, économique et social c’est-à-dire du développement durable.

Cette étude donne des éléments, des indications et une approche pour (i) la prise en compte de la dimension participative dans le processus d'identification des facteurs de déforestation et de dégradation des forêts pour les pays et (ii) le suivi participatif et simplifié de ces facteurs dans le temps. Elle peut aider à coup sûr les systèmes nationaux de surveillance du carbone forestier, et aussi sur le suivi participatif des projets REDD+. Cependant, elle devrait être complétée et croisée avec l'analyse de la couverture forestière par les techniques scientifiques éprouvées de télédétection et la quantification du taux historique de déforestation et de dégradation des forêts.

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